La Beauté

C'est vrai que maintenant, tu peux exposer n'importe quoi dans un musé d'art contemporain , et cela sans doute grâce à Duchamp qui a privilégié dans cette oeuvre semble-t'il, non pas l'esthétique mais le fait de nous faire nous questionner sur l'art lui-même. Cette oeuvre est une sacré rupture dans l'art et ce qui est intéressant, c'est qu'elle a participé à révéler le rôle actif des musées en tant que médias et donc décideurs quant à ce qui relève ou non de la sphère artistique. C'est ce que dit l'article de Wiki sur "Fontaine", la pissotière, à savoir qu'il a été longtemps question lorsqu'elle a été présentée, de savoir si oui ou non elle devait être prise en compte en tant qu'oeuvre d'art. Cette pissotière a repoussé les frontières de l'art en somme.

Et donc, pour en revenir à cette histoire d'absolu, personnellement je dirais que l'impact de cet oeuvre est incontestable et que de ce fait elle est belle.

Mais pour apprécier cette beauté, il faut une certaine culture...Si tu ne la possèdes pas, tu ne seras pas sensible à cette beauté.  Cela impliquerait peut-être que la beauté ne soit une chose donnée qu'à partir du moment où tu possèdes les outils pour la discerner.

J'aurais plutôt tendance à dire que l'impact de l'oeuvre existe qu'elle soit belle ou non

Oui, dans ce cas, tu n'associes pas comme moi impact et beauté.

En fait, si j'ai fait cette association, c'est pour avoir dit que le contraire d'une oeuvre belle était une oeuvre qui nous laissait indifférents.

J'irais presque à dire qu'une oeuvre est belle si elle donne à réfléchir et à en discuter, non ?

Oui, et donc de l'impact qu'elle a sur nous il me semble.

La discussion est riche quand la chose questionne.

loofrg a écrit:Et donc, pour en revenir à cette histoire d'absolu, personnellement je dirais que l'impact de cet oeuvre est incontestable et que de ce fait elle est belle.

La pissotière a eu un impact sur moi. Donc je n'ai pas à chercher plus loin, elle est belle?

Mais pour apprécier cette beauté, il faut une certaine culture...Si tu ne la possèdes pas, tu ne seras pas sensible à cette beauté.  Cela impliquerait peut-être que la beauté ne soit une chose donnée qu'à partir du moment où tu possèdes les outils pour la discerner.

Tu laisses pourtant entendre qu'il n'est pas nécessaire d'avoir la culture puisque l'impact suffit en tant que critère de beauté...

ronron a écrit:La pissotière a eu un impact sur moi. Donc je n'ai pas à chercher plus loin, elle est belle?

C’est sans doute ce que chacun peut d’une certaine manière se dire.

ronron a écrit:Tu laisses pourtant entendre qu'il n'est pas nécessaire d'avoir la culture puisque l'impact suffit en tant que critère de beauté…

Oui, il se pourrait qu’il y-ait un travail d’apprentissage à faire pour pouvoir être impacté. Je pense que c’est entre autre pour cela que nous allons à l’école.

loofrg a écrit:Oui, il se pourrait qu’il y-ait un travail d’apprentissage à faire pour pouvoir être impacté. Je pense que c’est entre autre pour cela que nous allons à l’école.

Et la culture vient aussi après l'interrogation qu'elle suggère

Certains pourraient se contenter en affirmant (une intuition quoi ...) :


mais en se cultivant un peu, ils pourraient avoir une réponse différente...
En cherchant des réponses à la question par exemple de savoir pourquoi elle s'appelait "Fountain", ou pourquoi elle est renversée,  ou qui est RMutt,  ou encore quel message Marcel Duchamp voulait-il envoyer à la Société des artistes indépendants de New York etc etc...

Cela permet d’entrer dans l’oeuvre, dans cette complexité regorgeant d’informations. Connaître, c’est peut être comme entrer dans les choses, comme les pénétrer. L’arbre que je connais est mille fois moins bavard que celui que connait le botaniste. La beauté est toujours véhiculée par de l’information il me semble, c’est ce qu’est la parole de l’arbre pour le botaniste, de l’information. Mais le botaniste qui décide de faire parler les arbres le fait parce qu’il aime les arbres, il aime ce que l’arbre a à dire, il trouve que les arbres sont beaux. Je rapprocherait donc amour et beauté, amour dans le sens d’attraction, celle qu'un objet produit sur soi, donnant envie de le connaître.

loofrg a écrit: Je rapprocherais donc amour et beauté, amour dans le sens d’attraction, celle qu'un objet produit sur soi, donnant envie de le connaître.

"Amour" serait donc proche de "désir"...

Bulle a écrit:"Amour" serait donc proche de "désir"...

Oui, je pense : répondant à nos désirs, la chose qu’on aime produit du plaisir.

Etes-vous beau/belle ?
(vous n'êtes pas obligés de répondre.   )

Je retiens dans le commentaire une chose, "la beauté engendre la clémence"... ce qui est totalement vrai à mon sens selon nos critères de beauté.

Et moi je retiens : "la beauté intérieure c'est important mais en boîte de nuit si tu n'as pas la beauté extérieure tu bois tout seul"

La beauté intérieure ? N'ayant pas d'oeil au bout du zizi, je ne peux pas en parler...

Jipé a écrit:La beauté intérieure ? N'ayant pas d'oeil au bout du zizi, je ne peux pas en parler...

  Qu'est-ce que c'est diable que cette philosophie gynécologique à trois balles ?

A cet endroit c'est deux balles pas trois !!!

Oui mais enfin nous ne sommes pas ici pour jouer aux boules. Si ?

Qui a le cochonnet ?

Et la beauté de la nature, voici une chose dont nous n’avons pas parlé. Une beauté qui ne se sait pas belle, une beauté qui ne cherche pas même à être belle. Je ne résiste pas à poster ici un texte du poète qui à mon goût en parle le mieux.

______

Parfois, en certains jours de lumière parfaite et exacte,
où les choses ont toute la réalité dont elles portent le pouvoir,
je me demande à moi-même tout doucement
pourquoi j’ai moi aussi la faiblesse d’attribuer
aux choses de la beauté.
 
De la beauté, une fleur par hasard en aurait-elle ?
Un fruit, aurait-il par hasard de la beauté ?
Non : ils ont couleur et forme
et existence tout simplement.
La beauté est le nom de quelque chose qui n’existe pas
et que je donne aux choses en fonction du plaisir qu’elles me donnent.
Cela ne signifie rien.
Pourquoi dis-je donc des choses : elles sont belles ?
 
Oui, même moi, qui ne vis que de vivre,
invisibles, viennent me rejoindre les mensonges des hommes
devant les choses,
devant les choses qui se contentent d’exister.
 
Qu’il est difficile d’être soi et de ne voir que le visible !

______
Traduit du portugais par Armand Guibert
In , «Fernando Pessoa : Le gardeur de troupeau et les autres poèmes
d’Alberto Caeiro »
Editions Gallimard, 1960

http://www.barapoemes.net/archives/2018/06/20/36501407.html

Pessoa, texte portugais :

Às vezes, em dias de luz perfeita e exacta,
Em que as cousas têm toda a realidade que podem ter,
Pergunto a mim próprio devagar
Por que sequer atribuo eu beleza às cousas.

Uma flor acaso tem beleza?
Tem beleza acaso um fruto?
Não: têm cor e forma
E existência apenas.

A beleza é o nome de qualquer cousa que não existe
Que eu dou às cousas em troca do agrado que me dão.
Não significa nada.
Então por que digo eu das cousas: são belas?


Sim, mesmo a mim, que vivo só de viver,
Invisíveis, vêm ter comigo as mentiras dos homens
Perante as cousas,
Perante as cousas que simplesmente existem.



Que difícil ser próprio e não ver senão o visível!



Poesias de Álvaro de Campos.

Ática, Lisboa, 1944

Traduction :

Parfois, les jours de lumière parfaite et exacte,
Où les choses ont toute la réalité qu'elles peuvent avoir,
Je me demande lentement
Pourquoi est-ce que j'attribue même la beauté aux choses ?

Une fleur a-t-elle de la beauté ?
Un fruit a-t-il de la beauté ?
Non : ils ont une couleur et une forme
Et l'existence seulement.

La beauté est le nom de toute chose qui n'existe pas.
Que je donne aux choses en échange du plaisir qu'elles me procurent.
Cela ne veut rien dire.
Alors pourquoi je dis : "Les choses sont belles" ?

Oui, même moi, qui vis juste pour vivre,
Invisible, viens à moi le mensonge des hommes
Face aux choses,
Devant les choses qui existent simplement.

Comme il est difficile d'être soi-même et de ne voir que le visible !

Pour info : Alvaro de Campos c'est en fait Fernando Pessoa :
"Pessoa a créé une œuvre poétique multiple et complexe sous différents hétéronymes en sus de son propre nom :
Alberto Caeiro, qui incarne la nature et la sagesse païenne;
Ricardo Reis, l'épicurisme à la manière d'Horace;
Alvaro de Campos, le « modernisme » et la désillusion;
Bernardo Soares, modeste employé de bureau à la vie insignifiante s'il n'était l'auteur du Livre de l'intranquillité,
et au moins soixante-douze alias en incluant les simples pseudonymes et semi-hétéronymes).
(Source)