Un chaman nommé Raspoutine ?

Le plus piquant c'est que "Raspoutine" signifie justement "débauché". Il appartenait bien à la religion dite khlyst issue de vieilles traditions sibériennes condamnées par l'Eglise orthodoxe. Leurs cérémonies commençaient souvent par des flagellations suivies d'orgies, la flagellation procurant d'avance le pardon pour la débauche qui allait suivre.
Pardon d'autant plus certain que, selon Grégory Effimovitch, Dieu ne pouvait considérer les fautes charnelles comme de véritables péchés.

Il déclarait en outre que les relations qu'il avait avec les femmes ne pouvait que sanctifier ces dernières. Relations d'autant plus faciles pour lui que beaucoup de ces dames considéraient le starets comme un saint à cause de son don de guérisseur. L'une d'elles, particulièrement, mais elle n'était pas la seule, trouvait sa jouissance multipliée par le mélange du sacré et du charnel, elle le nommait "Christ" tout en proférant des mots obscènes. Elle s'accrochait littéralement au sexe en érection de "Christ" tout en le suppliant de la battre.
La "Générale", qui avait longtemps tenu salon littéraire avant de suivre et d'aider Raspoutine, et qui était particulièrement intelligente, était saisie, à la vue du starets, d'un véritable délire sexuel et religieux qui finit par dégoûter Raspoutine lui-même ---surtout lorsque les charmes de l'intellectuelle commencèrent à se fâner.

Il semblerait par contre (mais je n'ai pas tout à fait terminé le livre) que Raspoutine, contrairement à ce que pouvaient laisser croire certaines lettres ambigües de la tsarine, n'eut jamais de relations sexuelles avec elle. D'une part parce qu'il ne prenait que les célibataires, les veuves, les putes et les femmes délaissées par leur mari; d'autre part parce que Nicolas II aurait perdu sa confiance en celui qui était le seul à parvenir à soulager le tsarévitch atteint d'hémophilie. Or, à un moment donné, Raspoutine ne pouvait pratiquement plus compter que sur deux personnes : "papa et maman", comme il les appelait, c'est à dire le tsar et la tsarine.

Quant à sa débauche alcoolique, elle ne débuta qu'après une tentative d'assassinat, jusque là Grégory ne buvait que du thé et de l'eau.
La tsarine fermait les yeux sur ses débauches, partant du principe qu'un saint homme, quoiqu'il fasse, ne pouvait pécher. De plus, quoiqu'elle ne les pratiquait pas elle-même, elle avait une certaine sympathie pour ces rituels khlyst, car ils provenaient de cette Russie ancienne et profonde dont les mystères l'attiraient.
La propre femme de Raspoutine fermait aussi les yeux sur les liaisons de son mari, estimant probablement qu'elles faisaient partie de sa mission qui était de sauver la Russie en rapprochant le Tsar de son peuple.