Fantômes et culpabilité

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Message par libremax Mar 3 Nov 2009 - 17:35

Une réflexion m'est venue l'autre matin, alors que j'émergeais encore du sommeil, devant mon bol de chicorée-café. Mes bambins chéris se délectaient de passionnants dessins animés dans lesquels il était question ce matin là... de fantômes. C'était normal : nous étions le matin d'Halloween, et en général nos programmateurs de dessins animés se plient en quatre pour évoquer vaguement un truc en rapport avec le machin.
Ces dessins animés, pour forcer le comique, montraient des fantômes vraiment terribles, vraiment effrayants, et des héros vraiment effrayés. quoi de plus normal? Les films au cinéma, les émissions à sensations, les romans, les jeux, la pub, tout le monde s'accorde aujourd'hui à le dire : un fantôme, ça fait peur.

Mais... pourquoi, au fait?
Quel danger sont-ils censés représenter?
Car dans toutes nos représentations, et ce, jusqu'aux plus anciennes, il s'agit de fuir le fantôme. Il ne s'agit pas toujours uniquement d'une vague superstition, d'une fascination malsaine pour une apparition qui ne ferait qu'évoquer ce que nous redoutons tous (à savoir la mort).
Notre imaginaire collectif a fait du fantôme un "personnage" qui fait peur par lui-même, et qui déclenche un seul réflexe : la fuite.

Qu'est-il censé se passer si le témoin de l'apparition ne fuit pas?
Le fantôme va-t-il le tuer? Le faire basculer lui-même dans l'au-delà des fantômes? Et pourtant non: une différence très nette est faite entre fantôme et zombie, ou bien fantôme et vampire.
Le fantôme est censé être, plus ou moins, plutôt plus que moins, un être immatériel. Donc, à priori, sans danger.
Un Oscar Wilde facétieux avait d'ailleurs songé à la chose : dans son succulent fantôme de Canterville, une famille d'américains matérialistes constatent l'existence du fantôme de leur manoir anglais, mais il n'en ont vraiment pas peur; ils l'invitent boir le thé. Le fantôme est ridiculisé, c'est le scandale. Jamais on avait vu ça!

Alors j'ai tenté de sonder mes souvenirs. N'y a-t-il pas un détail à propos des fantômes en général, que nous aurions oublié? Y a-t-il des scènes antiques, relégués dans l'inconscient collectif, qui permette de comprendre pourquoi les fantômes, ces revenants de la mort, font peur, eux qui n'ont plus prise sur le vivant?

Oui : Il y a la mythologie grecque ; il y a la Bible, il y a des pièces de théâtre antiques et romantiques. Dans ces anciennes évocations, un peu poussiéreuses aujourd'hui, il est question de fantômes qui, sans manquer, viennent visiter les vivants pour leur faire des reproches. Pour semer en eux la malédiction, la culpabilité, ou bien le repentir. Venus de l'au-delà où tout est dévoilé, ils savent ce qui a causé leur mort, ils savent les fautes des vivants, et ils connaissent même parfois leur avenir. Ils sont venus avertir les vivants que le danger était sur eux.

Aussi n'est-ce pas d'eux directement que l'on avait peur, mais de ce qu'ils allaient nous révéler. Face à ces oiseaux de malheur surnaturels, la chose la meileure à faire était de fuir si on ne voulait pas en apprendre de belles sur notre destin...

Aujourd'hui l'image qu'on se fait des fantômes a passablement occulté la cause même de notre peur ancestrale pour les revenants.

... Notre société est-elle si allergique à la faute qu'elle préfère encore oublier?
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Message par Geveil Mar 3 Nov 2009 - 19:23

On n'a pas le droit d'insulter nos semblables sur ce forum ( Et partout, d'ailleurs , une lettre d'insultes peut donner lieu à un procès) mais on a le droit de faire des compliments, tu as pondu un texte de réflexion et je t'en félicite.

Oui, notre société est allergique à la faute, et selon moi, c'est parce qu'elle encore immature. Pour te faire comprendre mon point de vue, je vais de ce pas poster " La mauvaise foi" dans le sujet " de l'enfance à la maturité" ICI
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Message par Invité Mar 3 Nov 2009 - 19:33

Mais il y a de gentils fantômes!
Dans les dessins animés, d'abord (son nom m'échappe)
et dans les films aussi (comme Ghost, ou gentils et méchants fantômes sont présents!)
Quant aux revenants... a-t-on besoin d'eux pour fuir la vérité?

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Message par libremax Mar 3 Nov 2009 - 21:17

Hum, c'est dans Casper.
Mais je vois là un type de fantôme tout aussi dénué de ce que les fantômes signifiaient autrefois. Les fantômes de Casper sont censé faire peur...parce qu'ils sont censés faire peur. Comme des chatouillis vivants.

A vrai dire, les fantômes de Ghost n'ont rien de différent avec des personnages bien réels.

Les revenants de la série Médium ont plus de ressemblances, peut-être, avec les ombres du passé des pièces antiques : ils ont un message qui donne la trouille.
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Message par Opaline Mar 3 Nov 2009 - 22:04

Avant tout , Dire avec force que les fantomes n'existent pas !
Tout ce que nous ressentons vient de la terre et des terriens.
C'est ce que je dis à mes enfants !
Ils répondent : " on sait mais c'est moins amusant ! "
Sommes-nous comme les enfants qui aiment se faire peur ?
.

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Message par Tibouc Mar 3 Nov 2009 - 22:31

Les fantomes sont aussi censés être revenus sur terre car ils ont encore quelque chose à y accomplir.

Avant tout , Dire avec force que les fantomes n'existent pas !
Pourtant ils existent...
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Message par Opaline Mar 3 Nov 2009 - 22:48

Prouve - le !

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Message par Leleu Mer 4 Nov 2009 - 0:32

Le film « Le 6ème sens » traite fort bien le sujet.
En fait de fantôme il s’agirait surtout de «l’ombre» d’un décédé, la partie sombre de l’âme qui ne s’est pas dissoute, d’où que le « fantôme » fait peur (symbole de la chaîne, l’attache qui ne rompt pas) Il se peut aussi que ce soit l’âme blanche qui ne se soit pas dégager pour divers raisons, mais là ce serait plutôt dans les rêves qu’il serait perçu (encore que). Des rituels existent pour libérer les âmes errantes, des prêtres y sont spécialisés, dans nos campagnes on trouvaient il y a encore peu des gens sachant le faire.
Les fantômes sont les rémanences des « mal morts » disait-on durant mon enfance, d’où l’importance de la libération psychologique (la confession des religions), des rituels de fin de vie, de l’encens…
Il y a bien sur tout un folklore sur les fantômes, une façon d’appréhender la mort à l’entrée de l’hiver comme au sortir ; le carnaval.
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Message par Invité Mer 4 Nov 2009 - 4:34

Opaline a écrit:Prouve - le !
J'en ai eu plusieurs preuves indiscutables, mais c'est long à raconter... et si je les raconte, on me répondra soit que je mens, que j'exagère, que j'ai rêvé ou que ces autres personnes inventent, ont des illusions, bref: raconter ces épisodes ne prouvera rien.

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Message par JO Mer 4 Nov 2009 - 6:48

J'ai , personnellement, un "comité d'accueil" impossible à considérer comme terrifiant . S'ils sont là quand j'arriverai, ce sera une sacrée fête ! Sans doute suis-je assez imperméable à la culpabilité . J'adorerais qu'ils viennent , enfin tangibles, se manifester . Mais, pour moi, ils sont là .

Il y a des civilisations dans lesquelles la mort n'est pas un évènement triste : on chante, on danse, en allant enterrer le disparu . Mais c'est peut-être encore une façon de l'éloigner parcequ'on a peur qu'il revienne perturber les vivants .

Et là, il y a , peut-être, la conscience, tapie en chacun des survivants , des torts, des disputes, des mauvaises pensées insoupçonnées du vivant que le mort pourrait découvrir , pour venir se faire justice ...
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Message par _Spin Mer 4 Nov 2009 - 7:08

Bonjour,

libremax a écrit:Alors j'ai tenté de sonder mes souvenirs. N'y a-t-il pas un détail à propos des fantômes en général, que nous aurions oublié? Y a-t-il des scènes antiques, relégués dans l'inconscient collectif, qui permette de comprendre pourquoi les fantômes, ces revenants de la mort, font peur, eux qui n'ont plus prise sur le vivant?
Les vampires, je présume.

NB ça n'a pas commencé avec Dracula (ni les films, ni même le roman de Bram Stoker) ni avec Vlad Tepes (rien à voir du reste). Au dix-huitième siècle un très respectable abbé, Augustin Calmet (considéré par ailleurs comme une référence sur des sujets sérieux), a compilé moultes histoires de vampires présentant toutes les garanties (témoins multiples, attestations sur la Bible et devant la justice, etc.) venues principalement d'Europe centrale (pas seulement les Carpathes).

Après...

à+

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Message par Radha2 Mer 4 Nov 2009 - 17:03

Plus à l'est le sita Upanishad notament évoque les Gandharvas et les Yaksas, divinités 'basses' et intermédiaires 'volant' dans les airs connus de l'hindouisme et du bouddhisme
Le Rgveda X.15.2 est une référence ancienne plus précise à ce sujet et des textes plus tardifs feront un lien entre ces formes d'existence et les lois de causalité et de réincarnation. 'Celui qui répand le sang d'un Brahmana ne saura accéder au monde des Pères pour autant d'années que met le sang à humidifier le grain de sable'

Un concept primitif d'existence intermédiaire précédant l'ultime destination de l'âme dont les récits, mythes, nous mettent en garde contre nos propres actes dans chaque forme d'existence ?

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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 17:18

leela a écrit:
Opaline a écrit:Prouve - le !
J'en ai eu plusieurs preuves indiscutables, mais c'est long à raconter... et si je les raconte, on me répondra soit que je mens, que j'exagère, que j'ai rêvé ou que ces autres personnes inventent, ont des illusions, bref: raconter ces épisodes ne prouvera rien.

Pas mieux donc je ne rajoute rien.
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Message par Radha2 Mer 4 Nov 2009 - 18:04

Si l'objectif de toute discussion dans ces sujets à pour dynamique la rencontre des arguments et questions zetetiques il est certes vain d'échanger.

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Message par Magnus Mer 4 Nov 2009 - 18:11

leela a écrit:J'en ai eu plusieurs preuves indiscutables, mais c'est long à raconter... et si je les raconte, on me répondra soit que je mens, que j'exagère, que j'ai rêvé ou que ces autres personnes inventent, ont des illusions, bref: raconter ces épisodes ne prouvera rien.
Perso, je n'en ai jamais vus, mais je connais une personne qui, avec une de ses amies, en a vu un. La façon dont elle le raconte m'a paru sincère.
Il s'agit d'une personne tt à fait saine d'esprit, il est sans doute utile de le préciser.
Le fantôme ou plutôt la fantôme était une jeune femme.
Apparition d'à peine trente secondes.
Depuis, cette personne pense que les esprits torturés qui n'ont pas encore trouvé leur place, leur ultime destination dirait Radha-- viennent demander de l'aide.
Mais elle n'a guère eu le temps, très effrayée en plus, de lui demander :
-Que puis-je faire pour vous aider, mademoiselle ?

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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 18:12

Radha a écrit:Si l'objectif de toute discussion dans ces sujets à pour dynamique la rencontre des arguments et questions zetetiques il est certes vain d'échanger.

Dans la plupart des cas c'est tout à fait intéressant. Mais dans ce cas là, c'est donner le bâton pour se faire battre. C'est bon, j'ai déjà donné.
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Message par Radha2 Mer 4 Nov 2009 - 18:22

Oui Thierry,

Mais je suis personnellement interessé, peut-être d'autres qui sait ? La peur du baton diminue bien souvent quand on regarde de plus près qui le tient...

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Message par Opaline Mer 4 Nov 2009 - 20:12

leela a écrit:
Opaline a écrit:Prouve - le !
J'en ai eu plusieurs preuves indiscutables, mais c'est long à raconter... et si je les raconte, on me répondra soit que je mens, que j'exagère, que j'ai rêvé ou que ces autres personnes inventent, ont des illusions, bref: raconter ces épisodes ne prouvera rien.

Je ne me permettrais pas de traiter un témoin de menteur ou affabulateur comme le font les adeptes de la zététique dont je ne fais pas partie, très loin de là.
Je pense que les témoins perçoivent vraiment quelque chose et c'est dans l'interprétation de ces perceptions que je me distingue.
Je ne crois pas que le monde des morts et le monde des vivants puissent communiquer. Pour moi, tout vient de la terre et de ses habitants vivants. Nous n'avons pas encore toute la connaissance requise pour se faire une opinion objective et par crainte de me faire manipuler à ce sujet, je préfère ne pas y croire.
J'avoue que je serais très heureuse si on prouvait , un jour, que le contact avec le monde des défunt est possible.
Racontez, s'il vous plait, vos témoignages sont peut-être originaux !
Moi je peux citer l'expérience de ma soeur qui a vu le buste d'un vieil oncle à l'instant précis de sa mort (elle n'a appris sa mort que le lendemain).
Ce vieil oncle, qui aimait beaucoup ma soeur, est venu la voir avant de partir définitivement .
.

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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 21:27

Que veux-tu d'autres comme preuves Opaline ? Scientifiquement parlant rien n'est exploitable ni dans l'histoire de ta soeur, ni dans la mienne ou celles de tous les autres. Ca restera du domaine de l'irrationnel, du paranormal, de tous les termes ésotériques qui sont attribués.
Personnellement je ne me pose aucune question sur la véracité de ce que j'ai vécu. Mais je ne peux rien prouver.
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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 21:42

Je tente avec ces quelques passages de "résumer" mon expérience. Ces textes viennent du livre que j'ai écrit. Pour vous situer "l'intrigue" Yoann (moi) fait une randonnée. Il marche vers Leslie, sa femme, qui est partie depuis l'autre extrémité du GR. Chacun engagé dans une démarche existentielle au rythme des pas, au coeur de leur solitude.
Christian, 19 ans, était mon frère.
J'avais 16 ans.

6

Il marche. Les paysages sont en lui. L’impression de devoir reconstituer un puzzle épars dont il ne connaît même pas l’image initiale.

« Yoann, Yoann, réveille-toi. Christian a eu un accident de voiture. Il faut qu’on parte à l’hôpital. »
C’était rare que sa mère vienne le réveiller. Ça l’avait surpris. Elle avait allumé la lampe de chevet. Il avait vu dans ses yeux une peur effroyable. Il s’était habillé. Les gestes maladroits et les pensées affolées. Sa mère était descendue. Son père sortait la voiture.

Il ne se souvient pas du trajet. Silencieux sans doute, chacun enfermé dans l’angoisse de l’inconnu. Le silence de la peur. Christian. Son grand frère. Qu’avait-il exactement ? Il n’avait rien osé demander. Son père roulait vite. Effroyable tension dans la voiture.

Ils étaient passés à Quimper. Aux urgences, on leur avait dit que l’ambulance était immédiatement repartie vers l’hôpital de Brest.
« Ici, on ne peut rien faire, c’est trop grave. »

Son père avait essayé de rattraper l’ambulance. Voix express Quimper - Brest.
Il regardait les voitures qui les croisaient, les ombres lointaines des arbres, les collines adossées à la nuit, les champs sombres sans frontières. Il se disait que ces kilomètres qui défilaient dans le ronronnement forcené du moteur les éloignaient à tout jamais de leur vie passée, qu’un mur gigantesque venait de se dresser entre ce temps à vivre et leur histoire commune. Il avait seize ans. Christian dix-neuf. Il pressentait le pire. Sans trop savoir pourquoi, un court instant, il avait espéré qu’il ne se trompait pas. Il avait eu honte, terriblement honte et cette pensée insoumise l’avait révolté.

Ils avaient eu du mal à trouver les urgences. Un interne avait dit qu’il était dans une chambre.
Pourquoi dans une chambre ? Pourquoi ne le soignait-on pas ?
Ils ne comprenaient pas. Ils avaient cherché dans les couloirs. La peur au ventre. Chambre 18. Etrange, c’était son jour de naissance. Il s’était dit que Christian ne pouvait pas y mourir.
Le couloir. Odeur écoeurante. Plafonniers à néons, des coulées de lumière pâle qui suintent sur les murs aux peintures délavées. Il suit ses parents.
Un homme, blouse blanche, il est debout devant la porte.

« Bonjour. Vous êtes les parents ?
- Oui. Notre fils est là ? Qu’est-ce qu’il a ?
- Il est cliniquement mort. Je suis désolé. »

Sa mère qui s’affaisse, son père qui la retient, il pousse la porte, il entre, une infirmière range des instruments sur un chariot roulant, son frère est là, allongé.
Son frère.
Il le reconnaît à peine. Ce n’est plus un visage mais une plaie violette, boursouflée, éclatée. Il a un haut-le-cœur. Un râle alarmant s’extirpe péniblement de la poitrine. Comme des bulles de sang qui crépitent. Il s’approche prudemment. Un bruit au fond de la chambre, il se tourne. L’infirmière entreprend de déplacer une table basse, elle la traîne sur le carrelage, un crissement suraigu, son frère se redresse en hurlant, à angle droit dans le lit, terrifiante vision, le râle s’étouffe dans la gorge, il fixe le mur blanc de ses yeux tuméfiés puis il s’écroule sur le lit qui tremble sous le choc.
Il s’approche de l’infirmière, il a envie de la frapper, il soutient son regard, il la prend par les épaules et la conduit fermement à la porte, elle ne résiste pas, ses parents entrent, l’infirmière se réfugie vers l’interne impassible, sa mère se tourne vers le lit, elle pousse un cri qu’elle étouffe sous sa main, son père murmure, une voix brisée qu’il ne reconnaît pas,
« Mon Dieu, Christian, mon petit. »

Mon Dieu …
Cette haine qui l’a envahi en entendant ce nom. S’il avait su comment s’y prendre, il aurait pu tuer ce Dieu, à cet instant là, que l’humanité entière disparaisse avec lui, il n’en avait rien à faire, juste cette haine dont il fallait user, cette violence incommensurable qui l’étourdissait, il aurait pu tuer n’importe qui, il le sait, il n’a jamais oublié ce désir de mort à donner … Il le submerge encore parfois. Avec une violence qui lui fait peur.
Et pourtant ce sermon immédiatement prononcé, à voix haute, sans que rien ne l’annonce, comme si sa voix lui échappait, comme si l’idée en lui débordait et qu’il n’avait aucun contrôle.
« Je sortirai de cette chambre avec Christian et il sera vivant. »


C’était un 21 juin. L’anniversaire de sa mère. Tourbillon.
Il a perdu le fil linéaire des évènements. Les souvenirs sont ancrés dans la mémoire émotionnelle. Et chaque ressenti réveillé ranime les images associées. Le temps chronologique est un chaos apocalyptique, un fatras inextricable.

Un croisement. Panneau en bois. Prendre le chemin de droite. Vers le col. Un abricot sec. Il n’a pas beaucoup mangé. Marcher pour liquéfier les résistances. Il monte.


L’odeur entêtante des désinfectants dans les couloirs, les peintures mornes, les fenêtres opaques aux verres épais, le silence entrecoupé parfois de pas rapides, du roulement d’un chariot, de voix qui s’interpellent, les plaintes aiguës d’un patient, le passage des infirmières. Elles leur demandaient de sortir. Il ne le supportait pas. L’impression qu’avec elles son frère était en danger. Ils s’étaient installés dans la voiture en bas de l’immeuble, ils se relayaient chacun leur tour au bord du lit. On leur avait fourni un fauteuil à bascule.
Les souvenirs épars se sont mélangés dans le maelström agité de sa mémoire, dans le tourbillon opaque de ses émotions cuisantes. Tout s’était enchaîné avec une telle vitesse. La vie pulvérisée, des éclats tranchants, des flambées de violence, des ruissellements de pleurs, des détresses épuisantes, des angoisses insoutenables.
Un chaos.
Il ne restait qu’un chaos. Une horreur inexprimable.
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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 21:49

J'ai passé trois mois dans cette chambre, aux côtés de mon frère. Service de neurochirurgie. Il n'avait plus de boîte cranienne au niveau du front. Le corps fracturé de haut en bas. Hématome cérébral. Septicémie. Trois mois à sentir la mort.

" C’est cette nuit là qu’il l’avait rencontrée.
Pendant son tour de veille. Il était dans le fauteuil. Ce n’était pas qu’un rêve. Impossible qu’une telle précision puisse se mêler à des sensations aussi fortes. Il n’a d’ailleurs jamais rien oublié. Rien. Et pourtant, quand elle est arrivée, il dormait. Un simple rêve aurait succombé à l’acide du temps.
Le froid. Il l’avait senti remonter en lui comme un liquide dans la masse cristallisée d’un sucre. Impossible de l’arrêter, un envahissement imparable, le souffle glacé gagne les fibres, fige les membres, il s’était lové dans une demi conscience, cherchant à se recouvrir de la couverture, puis les frissons s’étaient immiscés dans son bassin, son périnée, le bas de sa colonne, l’impression d’une présence à ses côtés, quelque chose d’indéfinissable, comme une vapeur, cette pesanteur sur ses yeux, l’incapacité de s’extraire du sommeil, de s’arracher à cette étreinte qui se resserre, le froid se répand dans sa poitrine, l’intuition que cette vapeur étrange vise le crâne, que cette ascension sans reflux a pour objectif d’envahir son esprit, que la citadelle doit tomber sous les assauts polaires, il tremble, la peur s’installe, cette étreinte autour de sa gorge, le froid qui l’encercle et ruisselle en lui, ce fluide infâme qui l’endort, l’entraîne, épuise ses résistances, il se sent couler comme une pierre, toujours ce froid qui l’immobilise, l’alourdit, pèse sur sa conscience, cette nuée qui s’infiltre désormais par ses narines, il en sent les effluves discrètes, comme un poison doucereux, il suffirait d’ouvrir les yeux, ouvrir les yeux, c’est pourtant si simple, cette impuissance effroyable, cette horreur qui le raidit et s’entretient elle-même, ce dégoût et cette honte, il s’était recroquevillé, des tremblements sur les lèvres, l’impression d’une lutte perdue, la découverte répugnante de son insignifiance, toutes les faiblesses intimes qui nourrissaient des détresses invalidantes, ouvrir les yeux, c’était à la portée de n’importe qui, cette honte et ce dégoût de lui-même, cette fragilité immonde qui l’étouffait depuis si longtemps, elle était là, dans toute sa rage, elle l’étranglait, elle l’étranglait, l’air qui siffle dans le tuyau rétréci de sa trachée artère, une quinte de toux, le bruit qui résonne dans sa tête, le râle de la vie qui s’en va, un gargouillis hideux, quelques chapelets de bulles, une asphyxie comme une étreinte fatale, la vie qui se retranche dans les derniers bastions de son esprit agonisant, le froid qui le fossilise, il sent qu’il part, la terreur, la terreur qui l’inonde, le remplit, le pénètre, le fiel gluant qui ruisselle dans ses veines, cette semence assassine, le dégoût de sa faiblesse, lutter, il doit lutter, s’échapper,il concentre son énergie dans le creuset de son esprit assailli, une boule ardente, une fusion d’étoile, un noyau magmatique, il puise des désirs de survie, des volontés de jaillir, de s’arracher au piège, de briser l’enceinte, il se concentre, se concentre et il ouvre les yeux en hurlant, comme deux volets repoussés, l’intrusion désirée de la lumière, il déplie les jambes, repousse furieusement la couverture, il se lève, il titube en râlant , il balance les bras comme s’il repoussait un ennemi invisible, il s’approche du lit, Christian qui étouffe, la bave aux lèvres, une crise d’angoisse qui l’emporte, les yeux révulsés, la terreur, la terreur, l’horreur qui le broie, les douleurs qui le submergent, il se noie dans la boue de son désespoir, il est trempé de sueur, il lutte, il n’en peut plus, et ce cri rauque, ce cri infini, ces larmes qui jaillissent, ces sanglots qui encombrent sa trachée artère, ses mâchoires bloquées qui ne peuvent même pas s’écarter, il étouffe, il se noie …
« Christian, respire, respire, je suis là, Christian, regarde moi, ne pars pas, je suis là, Christian ! »
Sa voix enrayée par les bouffées d’air qu’il insuffle violemment.
Il sort dans le couloir désert et il hurle.
« Charlotte ! Charlotte !! »
Elle arrive en courant, il la laisse passer, elle se penche au-dessus du visage défiguré par l’angoisse, mutilé par l’horreur qui le torture, le déforme, le mal qui le consume, le dévore, il n’en peut plus, il va partir, il pleure, il lâche prise, il tombe dans le néant qui l’attire. Charlotte qui s’en va. Il la remplace.
« Christian, reste là, ne pars pas, tu m’entends, tu vas t’en sortir, tu vas t’en sortir, Christian ! »
Elle revient. Elle a une seringue. Elle enfonce l’aiguille dans le cathéter et injecte le liquide.
« C’est un calmant. Ca va aller Christian. Ca va aller. »
Elle enserre la tête qui se balance de droite à gauche, elle plonge ses yeux au cœur de sa souffrance, elle caresse ses joues, sa voix est un baume d’amour, un lien qui le retient.
« Ca va aller Christian, on est là, on est avec toi, on va s’occuper de toi, je t’ai donné un calmant, ça va passer. »
Il a les jambes qui tressautent, les doigts crochés autour des barres qui encadrent le lit. Un râle lugubre dans la gorge. Les yeux exorbités, figés sur l’horreur intérieure, le regard lointain, un monde inhumain.
Elle serre délicatement la tête immobile contre sa poitrine.
« On va te laver un peu Christian, tu es en nage. »
Il pleure. Il ne bouge plus. Il la fixe. Comme un point d’ancrage contre le courant mortel.
« Ca va passer Christian, on est là, on est avec toi. »

Ce regard halluciné. Comment pourrait-il l’oublier ? Combien de fois il a revu en lui ces yeux torturés, le reflet de l’enfer ? Dans quel chaos Christian avait-il été jeté ? Il imaginait des champs de batailles jonchés de cadavres mutilés.

« Charlotte …
- Oui, Yoann ? »
Il doit se libérer, expulser par les mots partagés ce venin létal, se purifier, extraire de son esprit cet envahissement barbare.
« Elle était là.
- Qui ça ? »
Silence. Les mots comme des glaires dans sa gorge.
« La mort … La mort Charlotte. Je l’ai sentie. Elle était là. »

Elle le regarde. Il est au bout du lit. Il a les mains serrées sur les montants métalliques, les avant-bras qui tremblent.

« Je reviens Christian. »

Elle s’approche, elle l’enlace, le serre contre sa poitrine.
« Je m’étais endormi. Elle était dans mon rêve mais je n’arrivais pas à sortir, je n’arrivais pas à me réveiller, c’était affreux, tu sais comme quand tu tombes et que tu n’arrives pas à ouvrir les yeux … Mais là, c’était pire. J’étouffais. Pourquoi est-ce que moi j’étouffais alors que c’est Christian qui partait ? J’ai l’impression que la mort voulait m’empêcher de l’entendre. Tu te rends compte. Elle a essayé de le prendre et elle est venue dans mon rêve pour faire son sale boulot. Putain, je la hais !!
- C’était un rêve Yoann. Ne crois pas tout ça. Tu es juste très fatigué, tu es toujours sous tension, c’est normal que tu fasses des cauchemars. Ne t’inquiète pas, ça va aller maintenant. Christian va dormir et tu dois te reposer. Tu sais les cauchemars de Christian, c’est un bon signe aussi même si c’est effrayant à voir. Son cerveau fonctionne, il a des réactions, une vie profonde. C’est pour ça aussi que maintenant on peut augmenter les doses de calmant. On ne pouvait pas prendre ce risque avant. Je vais chercher de l’eau et un gant, on va le laver un peu et changer ses draps, ils sont trempés. »


Elle était là. Il le sait. Ca n’était pas qu’un cauchemar.

Il s’arrête pour remplir ses deux gourdes dans un ruisseau cristallin. Il rince le foulard qui enserre son front et mouille son visage. Christian aimait bien que Charlotte le lave, le contact de l’eau fraîche, cette sensation de vie, si douce, elle lui parlait sans cesse. Son visage se détendait. Un peu de paix.
Il laisse les gouttes perler sur son cou et glisser sur sa poitrine.

Il souffle.
Cette haine de la mort. Ce serment de ne jamais céder à ses assauts, de ne jamais baisser les yeux, de rester dans une vigilance constante, une lucidité sans faille, de la reconnaître dans ses subterfuges, de la dévoiler, de la dénoncer, ne jamais se soumettre, ni tomber les armes, ni abandonner, surmonter les faiblesses chroniques, répudier le petit enfant qui pleurait sur son lit.
Monter au front autant que possible et la provoquer. Se moquer de la mort. L’humilier. Oui. Humilier la mort. Et prendre vie.

Il avait mis longtemps à comprendre les raisons profondes de ses défis physiques.
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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 21:55

Il serait trop long de tout raconter. Je voulais juste que vous ayiez une vision partielle de la situation pour cerner la suite.

Mon frère a survécu. Une énigme pour la médecine. Son cas a été étudié et disséqué dans des recherches pointues. Il ne devait pas survivre.

Je me suis occupé de sa rééducation pendant deux ans. Jusqu'à ce qu'il reprenne l'escalade avec moi.

Et puis je suis parti vivre dans les Alpes. Peu à peu la distance nous a figés dans l'éloignement. J'avais ma vie, lui la sienne. Mais une vie terriblement difficile. Des séquelles lourdes.
La culpabilité qui me rongeait. On ne parvenait plus à communiquer. Il savait ce que j'avais fait, ce que j'avais vécu à ses côtés. Il le vivait comme une honte, un fardeau...On avait chacun notre fardeau.


Dernière édition par Thierry le Mer 4 Nov 2009 - 22:06, édité 1 fois
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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 21:58

Vingt ans après l'accident.

14


Il décroche fébrilement le combiné.
« Allo, je suis bien chez Monsieur Yoann Dennez ?
- Oui, c’est moi. »
Le cœur battant. Vingt-trois heures quinze. La sonnerie du téléphone l’avait brutalement sorti du sommeil. Nu, accoudé au buffet. Les idées claires. Lucidité de la peur. Leslie à ses côtés.
Il savait. A cette heure là, ça ne pouvait être qu’une mauvaise nouvelle. Intuition.
La voix inconnue s’était présentée. Un brigadier. Gendarmerie de Quimper.
Les pensées qui s’affolent, les interrogations qui fusent.

« Vous êtes bien le frère de Christian Dennez ?
- Oui. »
Peut-être juste un accident. Mais pourquoi l’appelait-on ?
Le défilement des pensées, cette vitesse hallucinante, toutes les options en quelques secondes.
« Je suis désolé Monsieur de devoir vous annoncer ça mais votre frère est décédé. »

Une chaise. Les jambes qui ploient, le ventre déchiré, un coup de poignard. S’asseoir avant de tomber.
« Le médecin qui l’a ausculté pense à une rupture d’anévrisme. Nous avons essayé de contacter vos parents mais ils ne sont apparemment pas à leur domicile. C’est la compagne de votre frère qui nous a donné votre numéro de téléphone. Je vous passe cette personne.
- Allo, Yoann, c’est Florence. Je suis désolée Yoann. Je ne savais pas quoi faire. J’ai pensé qu’il fallait te prévenir. Christian devait venir chercher Florian pour le week-end. Comme il n’est pas passé à l’appartement, je suis allé chez lui et il ne répondait pas. Ni au téléphone. Je me suis inquiétée et j’ai fini par aller à la gendarmerie. Ils ont ouvert la porte et ils ont trouvé Christian. »
Où sont ses parents ? Le camping-car. Ils doivent être en voyage.
Le cerveau en ébullition. Des ruissellements de frissons. La nausée. La Mort qui court dans ses fibres.
« On a essayé d’appeler tes parents sur leur portable mais on tombe toujours sur la messagerie. Tu ne sais pas où ils sont ? »
Il ne savait pas.

Christian. Mort.
La Faucheuse avait fini par l’avoir.
Salope.
Rupture d’anévrisme. Tellement facile pour elle. Elle ne lui avait laissé aucune chance. Une revanche implacable. Il avait osé lui tenir tête. Il avait voulu l’humilier. Fini de jouer. Il suffisait d’une petite implosion. Imparable.
Salope.

La voix du brigadier. Compatissante, posée. Il ne sait plus ce qu’il a dit. Venir en Bretagne, réussir à joindre ses parents, s’occuper du corps, contacter la morgue.
« Je prendrai un avion demain matin. »
Un rendez-vous à l’aéroport avec Florence.
Il raccroche.
Préparer un sac, quelques affaires. Leslie qui cherche un horaire sur internet. Efficace, comme toujours. Elle l’a serré dans ses bras. Cette tristesse dans ses yeux. Encore une fois pour lui le soutien indispensable, encore une fois pour elle la douleur de l’impuissance, ce sentiment affreux de ne pouvoir rien faire, ou trop peu, de ne pas trouver les mots, de n’être qu’un témoin démuni.
Tout ce qu’il lui a fait vivre …

Christian. Mort.
Deux ans qu’ils ne s’étaient pas vus. Juste un repas ensemble. En famille. Il ne vivait déjà plus avec Florence. Florian avait six ans. Une première séparation avec le divorce des parents. Une perte définitive désormais. Un petit garçon sans son père. Pourquoi tout ça ? Question absurde. Il regardait les nuages par le hublot. C’était la première fois qu’il prenait l’avion. L’année de ses trente-six ans. Christian allait avoir quarante ans. Dans quelques jours.
Pourquoi tout ça ?
Depuis si longtemps. Tout ce chemin, cette résistance acharnée, cette vie reconstruite, un enfant, une formation professionnelle, tout rebâtir, des années de lutte obstinée, ne jamais abandonner, rester debout, aucune plainte, aucune jérémiade, lutter, lutter, humilier la mort. Vivre. Debout.

« Mesdames, messieurs, nous allons traverser une zone de turbulences. Nous vous demandons de bien vouloir attacher vos ceintures. »

Et dans la solitude de la nuit, l’abandon au sommeil, le relâchement des surveillances, la Mort qui se glisse, s’insinue dans une veine, elle cherche un point faible, silencieuse, indétectable, même pas une migraine, pas un vertige, pas un cauchemar, aucun signe précurseur, elle fouille, parcourt les labyrinthes au fil du sang, là, une usure, un vaisseau fissuré, une épaisseur érodée, une faiblesse ancienne, elle s’accroche, un sourire aux lèvres, elle s’installe, se niche dans les tissus, teste les fibres, un frisson de plaisir devant l’échéance, le point de rupture, une faille dans la muraille, elle écoute ce battement cardiaque qui l’indispose, ce tempo irritant, elle n’aime que le silence des cadavres, la puanteur des charniers, elle se gonfle de haine, les tissus résistent, elle s’amuse de ce refus qu’elle perçoit, la vie n’abandonne pas, le courant sanguin accélère, le cœur s’emballe, une alerte a retenti, la vie cherche à l’expulser, des cascades vivaces la bousculent, des flots de sang comme des videurs.
Pas de temps à perdre. Fin du jeu.

Une lame qui tranche la veine.
Sursaut.
Le sang qui se déverse.
Le cerveau qui se vide.
Un sursaut de conscience. La terreur.
Spasmes.
Le cœur qui s’arrête.
Fin des connections.

Salope.

Il pleure, le front posé contre le hublot.
L’aile tranche des nuages cotonneux. Soubresauts.

Cette distance qui s’était installée. Christian aussi l’avait peut-être désirée. Comment supportait-il la comparaison avec ce frère marié, père de trois enfants, instituteur, sportif, voyageur, écrivain ? Tant de douleurs à recevoir à chaque rencontre. L’éloignement le protégeait au moins des colères ravalées. Cette injustice qui le rongeait. C’était tellement visible. Il n’avait jamais accepté cette cassure dans son existence, ce calvaire, ce drame inconcevable. L’accident lui avait volé sa vie. Impossible d’apprécier ce qui lui restait. Pas suffisamment en tout cas. Son enfant lui avait permis de vivre les jours avec davantage de douceur. Enfin.
Et tout s’était arrêté.
Cette désillusion de ne pas parvenir à vivre correctement, à être durablement installé dans une voie professionnelle, cette lutte permanente, comment la vivait-il vis-à-vis de Florian ? Une honte ou un défi ? S’y était-il épuisé au point qu’une veine éclate, son esprit endurait-il un tourment si puissant que la pression s’était révélée insupportable, cette dépendance envers les parents, l’incertitude qu’il représentait, l’inquiétude, l’angoisse, le poids qu’il rajoutait alors qu’ils approchaient de la retraite et pouvaient espérer en apprécier les bienfaits, cette quasi solitude dans laquelle il vivait, il lui restait combien d’amis véritables ?
Cette vie n’avait-elle été qu’un calvaire ? Un chemin de croix ?
Christian … Christ …
Il n’y avait jamais pensé. Le parallèle ne l’avait jamais frappé.
Un chemin de croix.
Pour qui ?
Il avait porté sa vie comme un fardeau.
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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 22:04

Voilà, c'est à partir de là que la suite répond au thème.

Mon frère était là, en moi, autour de moi. Souvent. J'ai toujours pensé que c'était mon imagination, comme des rêves éveillés qui subsistaient aux rêves de la nuit. Je le voyais au détour d'une rue, je l'entendais me parler, une voix intérieure, je lui parlais aussi parfois, quand j'étais seul. Rien à voir avec des fantômes, pas d'ectoplasme ou de spectre lumineux, juste une "présence", au point que parfois je sentais son parfum. La mémoire bien sûr. Je sais. Mais comment raconter le reste?...

Je ne comprenais rien.
Il a fallu que je m'effondre à mon tour pour que je brise les résistances que j'avais installées et que j'aille voir plus loin, par nécessité, pour survivre à mon tour.

Une première hernie discale à 25 ans, une deuxième à 39 ans puis trois autres d'un coup à 42...
Et la rencontre avec Hélène. Je vous en ai déjà parlé.
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Message par Thierry Mer 4 Nov 2009 - 22:18

Pompes funèbres. Il est devant le bâtiment. Sombre comme un caveau.
Pousser la porte. Toutes ces images qu’il devine.
Il a encore essayé de joindre les parents sur le portable. Messagerie. Pas le choix. Il le fera tout seul. Il a la gorge sèche.
Un homme l’accueille. Grand, sec, les cheveux gominés, une raie taillée au cordeau. Costume gris. Voix contenue. Quelques échanges.
Il n’a pas envie de parler.
Il voudrait que tout se fasse en silence, sans un mot, qu’on le laisse entrer dans sa bulle, qu’il ne soit même plus visible, qu’on ne puisse plus le contacter.
S’occuper de Christian. Il en est capable, il pourrait même le prendre sur son dos et le ramener à la maison, l’allonger dans sa chambre, rester à ses côtés, lui parler, lui lire un livre. Comme à l’hôpital. Et attendre. L’accompagner encore.
Mais il n’a pas envie de parler.
Il n’a pas envie des hommes. Leur compassion ne lui sert à rien. Elle n’apaise pas les douleurs qui le tenaillent.
Assis dans un bureau. Signer des papiers.

« Je n’arrive pas à joindre mes parents. Ils ne savent pas. »
Rien d’autre à dire.
Il se sent tout petit. Comme un enfant. Totalement démuni.
L’homme lui parle mais il ne l’entend pas vraiment. Ou plutôt, une partie de son cerveau enregistre les paroles mais l’essentiel de ses pensées n’est pas là. L’homme a croisé les mains sur le bureau. Il a les doigts fins, osseux, gris comme son costume, des ongles rognés, des phalanges bosselées.

L’allure des cadavres qu’ils charrient.

Son esprit s’échappe.
Il réalise soudainement qu’il se sent misérable parce qu’il n’y a plus rien à faire. C’est trop tard. La lutte est finie, le défi n’a plus cours. La Mort a gagné. Il ne reste que la détresse. L’impuissance. Il est arrivé trop tard. Christian l’a peut-être attendu, il a peut-être espéré qu’il viendrait, il désirait peut-être de l’aide, un soutien, un peu d’apaisement, des rires, l’insouciance, une journée d’escalade, la beauté du monde, retrouver les souvenirs, les ranimer, parler ensemble, se dévoiler un peu, les douleurs, les espoirs, les projets. Cette dernière soirée devant le téléphone, un numéro sur les genoux, ne pas réussir à appeler, comme englué déjà dans les effluves mortuaires. Cette détresse comme le couperet de la vie maintenue.
Le silence, les non-dits, la pudeur, les retenues, les doutes, la fierté, l’amour-propre, la peur de déranger, de s’imposer, de peser sur la vie des êtres. Partenaires de la Mort.
Colère, une immense colère. Le dégoût. Pourquoi l’a-t-il abandonné ? Pourquoi l’avoir veillé pendant des mois pour le laisser ensuite combattre seul ?
Le dégoût.
Culpabilité.
La honte.
L’impression de l’avoir porté et soudainement de l’avoir jeté sur le bas-côté. Une fuite.
« Je vous accompagne jusqu’à la salle. »
L’homme s’est levé. Il le suit.
Une porte en bois. Lourde. Un couvercle de tombe.
L’homme s’écarte, il l’invite à rentrer.
Lumières tamisées, des tentures ocres aux murs, deux bougies.
« Voilà, je vous laisse. Je vous attends à côté. Vous pouvez rester aussi longtemps que vous le désirez. »
Il ferme la porte.
« Je ne sortirai plus. Vous pouvez partir. Je reste là. »
Il a failli le dire.
Il avance vers le fond de la pièce. Un silence étouffant. Une odeur de naphtaline.
Un autel. Il est là.
Christian.
Son grand frère.


Deux troncs posés au-dessus du torrent. Le roulement de l’eau balaie les idées incrustées. Le flux translucide épure. Il s’arrête au milieu du pont improvisé. Il fixe les tourbillons, les reflets, les éclaboussures sur les pierres usées. Vitalité de l’eau claire. Dans son esprit encombré par les souvenirs déposés comme des champs d’alluvions, le courant a perdu de sa force. Il a laissé lui-même les eaux s’épaissir, brassée par les tourments entretenus la vase a souillé la pureté, son agitation interne n’était pas celle de la vie qui coule mais celle du mental dictateur.
Laisser couler la vie dans le lit tracé.

Assis aux côtés du corps inerte. Le visage apaisé. Les yeux clos. Effroyable immobilité. Les mains sur la poitrine. Il avait caressé les cheveux. Il s’était levé. Il avait posé un baiser sur le front. Rigidité glaciale de la peau. Les larmes. Impossible de les retenir.

« La cour vous condamne à porter l’âme de votre frère jusqu’au jugement dernier. »

La sentence s’était imposée, comme une voix criée au fond de son cœur, au fond de son être, une ancre jetée dans la boue de son esprit, une stèle cimentée dans le cloaque spongieux de son dégoût.
Il porterait sa croix.
C’était son tour.
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